Mercredi 29 juin 2011

 

Ma primaire verte

Par Stéphane Lhomme

Episode 3

 

Second débat de la primaire, à Paris. Je me suis engagé dans cette aventure pour dire combien je trouve indécente la candidature de Nicolas Hulot. Attention, il a parfaitement le droit de se présenter à la Présidentielle : ce que je conteste, c'est qu'il puisse être le représentant "officiel" des écologistes.

Même si je ne suis pas adhérent d'EELV, je sais que pendant un an, on va me dire que Hulot est "mon candidat". Et ça c'est insupportable. Alors voilà, je suis là et je dis ce que j'ai à dire. Ca tombe bien, je parle juste avant l'animateur de télévision.

J'explique l'émotion, la stupeur, la colère qui existent à la base du mouvement, chez les antinucléaires, les altermondialistes. Si Hulot est là, c'est uniquement du fait de sa notoriété, acquise grâce à ses émissions chez TF1-Bouygues, avec des mécènes aussi écolos que Rhône-Polenc, L'Oreal ou EDF. Oui, j'affirme que le mouvement écologiste est confronté à un problème, que je nomme "le problème Hulot". Il s'agit bien là d'une contestation politique et pas d'attaques "personnelles" comme certains font semblant de le croire… justement pour ne pas avoir à expliquer politiquement leur soutien à Hulot.

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Je me lâche... Tant pis pour l'icone Hulot !

Pendant que je parle, une vingtaine d'apparatchiks d'EELV - nous sommes à Paris - me sifflent : chacun sait que l'appareil, en ordre de marche derrière Cécile Duflot, est désormais totalement acquis à la candidature Hulot. Peu importe, je continue. Pas question d'être juste un élément de décor comme à Toulouse. Je termine en martelant mes propositions principales, dont la sortie du nucléaire en moins de dix ans.

C'est le tour de Hulot. Blême, il contre-attaque : "Je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer (…) Ce que les gens attendent, c'est que les mots aient un sens (…) Nous pouvons réaliser un score à deux chiffres (…) Je veux porter l'écologie de l'action et pas l'écologie de la sanction, l'écologie de la conviction et pas l'écologie de la punition".

Notez bien que c'est à moi qu'il répond, gardez ça en mémoire avant que nous arrivions au débat de Lille. Pour le moment, nous sommes à Paris et la suite de la soirée se déroule sans anicroche. A la fin, contrairement à Toulouse, je suis assailli de demandes d'interviews : télés, radios, journaux… Non, pour moi ce n'est pas un "buzz", c'est juste l'occasion d'expliciter mon point de vue, largement partagé par de nombreux écolos.

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Hulot me répond, blème...

Certes, mon initiative est à double tranchant : certains journalistes, travaillant pourtant pour des médias renommés, se basent sur les seuls sifflets de la vingtaine d'apparatchiks pour décréter que mon attaque a finalement renforcé Hulot (voir par exemple ici : http://bit.ly/jfQjJx  ). Que savent-ils de l'avis des 33 000 votants ? Et de la base du mouvement écologiste et altermondialiste en général, où tout le monde ne participe pas à la primaire d'EELV, loin s'en faut ?

De toute façon, lorsque je suis resté bien "dans les clous" comme à Toulouse, personne n'a porté le moindre intérêt à mes positions. Par chance, il y a cette fois six jours avant le prochain débat : j'ai intérêt à bien profiter de ma "séquence", en multipliant les interviews pendant la semaine, car elle va se refermer… définitivement.

En effet, à Lille, dès l'introduction, Eva Joly attaque Nicolas Hulot avec une violence incroyable. De façon méthodique et planifiée - je suis assis à côté d'elle et je vois bien que tout ce qu'elle dit est écrit noir sur blanc - elle fait comme si c'était elle qui était visée par ce cher Nicolas lors du débat de Paris, alors qu'il ne faisait que répondre à mon attaque. "Nicolas, je suis une femme blessée, surprise de la caricature que tu fais de mes idées. Non je ne suis pas pour l'écologie punitive…", etc.

Je comprends immédiatement que c'est une stratégie élaborée par l'équipe d'Eva pour reprendre la main. Ils ont dû se dire "Vous avez vu ce crétin de Lhomme, il a tapé sur Hulot et il n'y en a plus que pour lui… Alors nous allons faire la même chose, en pire !" Pour un peu, je plaindrais l'animateur d'Ushuaia.

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Ca bastonne dur ! Finalement, le gentil de la primaire, c'était moi !

Ce dernier répond tant bien que mal, interloqué - "Eva, tu mets dans ma bouche des propos que je n'ai jamais tenu à ton encontre". Je devine que le débat est fini avant d'être commencé. Il reste pourtant près de deux heures à "tirer". J'improvise bien une jolie phrase qui mériterait d'être primée au concours de l'humour politique : "Légaliser le cannabis permettrait de couper l'herbe sous les pieds des trafiquants".

Mais personne n'y prête attention : les médias attendent la fin pour se jeter sur Hulot et Joly et recueillir leurs avis sur le violent incident qui les a opposés. Comme à Toulouse, j'ai droit à… zéro interview. Je sais déjà que ma campagne est terminée. Reste à rentrer à la maison, 8 heures de train.

Je m'amuse en diffusant un communiqué un peu gonflé : "Primaire EELV - Stéphane Lhomme condamne les propos violents échangés par Nicolas Hulot et Eva Joly". Rien n'y fait, le duo a repris la main. A part un "chat" sur Metro.fr, c'est fini pour moi : il me reste juste à attendre le vote. Mais les aventures ne sont pas terminées, loin de là…

Lundi 27, une grande conférence téléphonique rassemble les organisateurs de la primaire, sous la houlette du terrible Alexis Braud, et les représentants des différents candidats. J'y participe directement, appuyé par Hervé Suaudeau que j'ai désigné comme représentant du fait de l'indisponibilité momentanée de Michel Guéritte. Le choix d'Hervé est loin d'être un hasard : il mène un combat contre le vote électronique en général et… contre le vote électronique à EELV en particulier (cf par exemple : http://www.ecolocitoyen.org   )

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Le vote électronique : ayez confiance !

La conférence téléphonique est sidérante : tour à tours, nous apprenons que 4000 inscrits par Internet ont voté sans avoir justifié de leur identité (contrairement à ce qui était exigé), que la procédure concernant les "français de l'étranger" a échoué et qu'ils votent avec un curieux système de procuration qui les obligent à révéler leur vote.

On apprend aussi que le MEI de Waechter a donné un fichier de 700 personnes sans vérification préalable par les équipes des candidats (le MEI était supposé avoir au grand maximum 200 adhérents, et Waechter a appelé à voter Hulot !), etc. Les explications les plus alambiquées sont avancées à chaque fois pour "justifier" que ce qui avait été prévu n'est pas respecté. Si Hulot ne gagne pas dans ces conditions…

Pour ma part, je signale que le scrutin est totalement biaisé par la fiche officielle qui me dénigre et valorise le candidat Hulot. Les représentants d'Henri Stoll et Eva Joly se joignent à la protestation : si les résultats sont serrés, il va y avoir du sport ! L'excellent Hervé Suaudeau pointe divers problèmes concernant le vote électronique ainsi que la décision incroyable, en cas de double vote (papier + électronique) de choisir le vote électronique et de ne pas compter le papier.

De façon générale, nous contestons le vote électronique qui permet potentiellement toutes les tricheries. Nous ne disons pas que c'est forcément le cas pour ce vote EELV, mais les assurances de "sécurisation parfaite" sont ridicules quand on sait que les ordinateurs les plus protégés de la planète sont "visités" par des hackers…

Reste à attendre les résultats. Pour ma part, au vu de la médiatisation qui a porté quasi exclusivement sur le duo Hulot/Joly, un score de 10% serait un véritable exploit. 5% est plus probable. Mais peu importe : l'essentiel était que je dise certaines choses. Mission accomplie…

 

A SUIVRE…

 


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